Effet papillon et autres yangonnades…

OLYMPUS DIGITAL CAMERAYANGON 9/4-17/4. Notre courte escale dans la banlieue aéroportuaire de Bangkok est vite oubliée. Nous bouillons littéralement d’impatience à l’idée de voir enfin le Myanmar qu’on appelait il n’y a pas si longtemps la Birmanie. Il faut dire qu’en 2000, nous avions les visas pour le pays. Nous avions renoncé avec bonheur à ce voyage tant attendu pour profiter de la première grossesse de Marika (en Jordanie finalement) en nous disant que nous aurions bien le temps. A l’époque, aussi, les opposants étaient emprisonnés et appelaient au boycott touristique de leur beau pays. Alors, vous pouvez imaginer sans peine l’excitation qui nous gagne sur la plateforme d’un taxi collectif parmi les thaïlandais absorbés par le quotidien et la journée de travail à venir. Evidemment, on s’énerve un peu au check in d’Air Asia, compagnie low cost qui pratique habilement l’art de l’addition des petits riens qui donne un gout salé à la note. Nous avons pris nos billets sur un comparateur de vol sur internet, lequel comparateur oublie juste d’intégrer le prix des bagages. Donc, nous commençons par payer pour mettre nos bagages en soute. Alors que nous embarquons, une voyageuse anglo-saxonne nous demande si nous n’avons pas perdu notre téléphone mais j’ai bien le mien. Nous embarquons donc tranquillement et c’est seulement dans l’avion et surtout en plein vol que Lune s’aperçoit que le dit téléphone était en fait son ipod…
Un ange passe et l’avion poursuit sa route. Nous prenons conseil auprès de l’hôtesse qui n’y peut guère et je passe une bonne avoinée à ma fille chérie mais distraite. Le vol se passe et à l’arrivée, le staff de l’hôtel Mother Land Inn 2 (c’est son vrai nom) nous attend. Ca fait rudement plaisir. Nos chauffeurs, deux jeunots au sourire éclatant patientent pendant que je vais débrouiller l’affaire dans le bureau d’Air Asia. Je tombe sur un steward fort sympathique et surtout très efficace qui retrouve dans sa base de donnée notre ipod perdu il y a trois heures à peine. Il le fait rapatrier par l’un des deux prochains vols du soir. Lune se détend, moi aussi et, du coup, je n’aurai plus qu’à revenir en fin d’après-midi. Nous traversons la ville qui a quelques chose de campagnard. Une végétation tropicale envahie les jardins, les plus grandes artères de la villes sont longues, larges et aérées et la circulation y est peu dense même si on nous annonce des risques d’embouteillage. A l’auberge de jeunesse règne un joyeux bordel. L’accueil est chaleureux (mais efficace et faut filer la thune recta) et toute une équipe de jeunes femmes souriantes virevolte. Les filles ont des allures d’elfes des bois dans leur tenue verte. Nous nous installons pour une semaine car la fête de l’eau arrive qui va paralyser le pays pour quelques jours.
Je saute dans un taxi en fin d’après-midi vers l’aéroport et c’est là que le papillon bat des ailes. Mon grand-père de chauffeur me laisse devant le hall des départs où se trouvent les bureaux d’Air Asia. Et quand je rentre dans le bâtiment, je longe une haie d’honneur dressée par de jeunes enfants qui agitent des drapeaux rouge ornés d’une étoile blanche et d’un oiseau doré mystérieux (un paon stylisé en fait). Je n’ose y croire quand un des minots brandit un portrait d’Aung San Suu Kiy. Pourtant, les adultes qui poussent leur progéniture me l’affirment. Elle va venir. Une maman me désigne un homme austère qui traverse le hall. Je comprends que c’est un homme politique important. On me plante un drapeau dans la main et je suis ravi. Alors, quand six ou huit gardes du corps, en tenue birmane blanche, prennent place devant une voiture et encerclent The Lady pour la protéger surtout de l’enthousiasme de la foule, je suis aux anges et j’agite mon drapeau de papier comme les autres. Elle passe devant moi et je suis submergé d’émotion. Elle est belle et droite, digne et forte et elle sourit aux enfants et les remercie en avançant au milieu de ses gardes. Elle disparait comme elle est venue. Dans un souffle léger qui a fait frémir les drapeaux. Moi, j’ai la banane comme si j’avais consommé des substances illicites. Alors, je règle mes affaires, je remercie mentalement Lune d’avoir perdu son bidule et, la chance ayant décidé de se jeter sur moi, je tombe sur le chauffeur de l’hôtel qui m’évite de négocier un taxi et surtout m’embarque pour une balade nocturne dans Yangon, genre de visite d’inspection des préparatifs impressionnants pour la fête de l’eau qui se terminera par le nouvel an bouddhiste. Partout des estrades immenses sont construites et équipées de tuyaux voire de lances à eaux et les puissants sound system envoient leurs lourdes basses annonciatrices de la folle fête à venir. On sent l’excitation monter dans la ville.
Notre base au Mother Land est très sympa et elle l’est encore plus quand nous quittons après trois nuits bouillantes nos deux chambres avec ventilo pour une chambre familiale avec air conditionné. La saison chaude bat son plein, et il est difficile de récupérer quand la nuit n’apporte aucune fraicheur. Nos journées se passent entre école et balades en ville. L’hôtel, un peu excentré se trouve à une vingtaine de minutes de la pagode Sulé au centre de Downtown. Ce quartier rectangulaire est encore une fois l’oeuvre d’un géomètre fou et de longues avenues aérées et peu fréquentées s’alignent à perte de vue seulement coupées par leurs perpendiculaires qui viennent dessiner des coins sur plus de deux kilomètres de long. On peut apercevoir au détour d’un carrefour la pagode Sulé, une des plus anciennes, dont le stupa doré brille au soleil.
Plus proche de l’hôtel, le quartier calme est un petit bout d’Asie à lui tout seul. La rue est un peu sale et un peu bordélique. Quelques échoppes vendent épicerie, tabac et alcool. En tournant le coin on se retrouve brutalement dans un petit bidonville qui s’est construit le long d’une voie ferrée désaffectée. Des enfants en haillons courent dans tous les sens en riant, quelques marchands ambulants sont postés devant les maisons de tôle et une petite gargote sert une nourriture bon marché au milieu des détritus qui envahissent même les espaces de vie des habitants. Quand on poursuit la ruelle, après les rails rouillés et polis par les années, on trouve un vaste complexe commercial flambant neuf et son supermarché à l’occidentale où nous trouvons de quoi varier notre excellent quotidien asiatique. Le contraste est fort quand on revient avec ses tomates et ses gâteaux…
Le calme général annonce la tempête de la fête de l’eau et nous nous dépêchons d’aller visiter l’incontournable pagode Shwedagon, autre fameux temple bouddhiste très ancien. Cette pagode mondialement connue pour sa beauté est un sanctuaire bouddhiste renommé. Elle a survécue aux tremblements de terre, incendies, émeutes, manifestation et même à un attentat nord-coréen. Une souscription est lancée tous les vingt ans pour son entretien. Perchée sur une colline à deux kilomètres du centre, elle est réputée pour abriter des reliques de quatre anciens bouddhas, dont huit cheveux du bouddha Gautama. Pas de quoi se faire une perruque mais ça impressionne le bouddhiste de base qui lui est souvent franchement chauve. Sa construction a été réalisée entre le VI et le X siècles après Jean-Claude d’après les archéologues mais du vivant de Gautama selon les textes soit VI siècles avant Jean-Claude du coup. Un peu plus de 70 pagodes forment ce sanctuaire très fréquenté que l’on atteint par un des escaliers placés aux quatre points cardinaux. Les pagodes secondaires se repartissent autour de la pagode principale dont le stupa culmine à 98 mètres. Et là, c’est le livre des records de la joaillerie, un monument wikipedesque en puissance. Rien de moins que 750 kilo d’or recouvrent le stupa principal. Plus de 1500 clochettes en or ou en argent ornent l’ombrelle sommitale et chantent dans le vent. Une girouette en or et pierres précieuses est surmontée d’une sphère du même métal jaune incrustée de mille diamants et d’une superbe émeraude de 78 carats. Les moines du crus ont gentiment installé des jumelles du genre de celles où l’on glisse une pièce de un franc mais ils ont tellement fiers que c’est gratis. Même Anis se hisse sur la pointe des pieds pour essayer d’apercevoir les joyaux du Bouddha . Nous contournons le stupa par la gauche, dans le sens horaire, comme c’est l’usage. Le long de ce cercle s’alignent les bouddhas du jour de la semaine. Il y en a deux pour le mercredi (matin et après midi) donc huit bouddhas. Les fidèles vont prier de préférence celui de leur propre jour de naissance.
Il faut s’y promener en fin d’après-midi. S’assoir un moment dans la fraicheur toute relative d’un des temples et regarder déambuler les fidèles, méditer les moines au crâne rasé et drapés de pourpre. Pour améliorer leur karma, les croyants font des offrandes ou bien lavent un bouddha à grande eau. Des moinillons de l’âge d’Anis y voit un terrain de jeu inépuisable. Leur robe vole au vent et Anis s’en fait sur le champ des copains. Ils courent dans tous les sens, font sonner les volumineuses cloches et sautent de temple en temple dans une agitation qui ne semble perturber ni fidèles, ni moines méditants. Les enfants ont une place merveilleuse.
Les ombres s’agrandissent, la lumière s’adoucit quand le soleil s’abaisse sur l’horizon. La pagode est alors illuminée et brille de mille feux. L’ambiance se fait plus fervente et le spectacle devient mystérieux dans l’ombre de la nuit. Il faut littéralement s’arracher à ce lieu magique. Dommage que ce soit si cher car on y reviendrait comme au Wat Po de Bangkok, passer sa journée à observer la vie exubérante qui anime la pagode.
Notre séjour à Yangon, capitale d’intérêt limité est l’occasion de se poser un peu avant d’entamer notre périple avec Cécile et Gilou. Les enfants se gavent de frites grasses et délicieuses à l’hôtel et nous avançons l’école. Le personnel est au petit soin même si Anis finit par en avoir un peu assez qu’on lui passe la main dans les cheveux. Nous achetons du maquillage traditionnel à base d’écorce ou de bois de Thanaka. Le bois doit être réduit en poudre et mélangé à des fleurs ou des plantes pour le parfum. La pâte ainsi obtenue, épaisse, sert de base. Les filles de l’hôtel la mélange à de l’eau pour obtenir un liquide jaune. Elles l’appliquent au doigt sur le visage et le corps des enfants en un voile léger. Un pinceau permet de tracer de jolies lignes régulières. Des cercles jaunes plus soutenus viennent arrondir les joues. Ce maquillage offre des vertus antiseptiques et protège du soleil leur petite peau fragile. Les femmes surtout et les hommes parfois arborent ainsi une teinte dorée qui souligne, s’il en était besoin, leur beauté. Je me mets aussi à porter le longy avec plaisir, même si un peu de pratique est nécessaire pour apprendre à le nouer correctement.

Voilà notre vie paisible à Yangon. Mais il y a aussi une vie trépidante au coeur de la fête de l’eau. A suivre…

3 réflexions au sujet de « Effet papillon et autres yangonnades… »

  1. Philippe POINDRON

    Merci, mon Vincent. Quel beau récit. Que de souvenirs engrangés. Ils me font rêver et même un peu pleurer. Tu sais pourquoi.
    Je vous embrasse tous.

    Papa

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  2. Vincent Auteur de l’article

    Merci, merci pour tes commentaires extrêmement motivant !
    Attention, pour allécher le lecteur, nous aurons prochainement deux auteurs invités: Cécile ma maman et mon oncle Gilou, écrivain de son état, à la plume riche, joyeuse et poétique.
    gros bisous à toi.
    v

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  3. françoise Narti

    Je retrouve dans tout ce que vous écrivez l’atmosphère ressentie lors de mon voyage en 2000 et oui Vincent nous y sommes allés dans cette période tout à fait muselée, mais oh combien intéressante; dès notre arrivée à l’aéroport le guide nous a dit dans un anglais quelque peu approximatif qu’on pouvait lui poser toutes les question en dehors de la politique . Le chauffeur qui semblait un crétin fini était en fait un type de la sécurité ( nous connaissions si bien leur système pour avoir vécu en Roumanie) qui comprenait le français à l’inverse du guide; quand nous nous en sommes aperçus nous avons parlé roumain ce qui a laissé nos accompagnateurs un peu décontenancés, j’aurai dit sur le c.l si je n’avais pas peur de vous choquer….Après tout c’est bien sur leur derrière qu’ils sont tombés.
    C’est un pays fascinant et attachant, la gentillesse et le charme des habitants et la beauté des paysages m’a laissé un merveilleux souvenir. Pagan et l’Irrawady sur une barque au coucher du soleil sont féériques, et la traversée dans la forêt tropicale entre Pagan et le lac Inlay valait le coup même si nous avons mis plus de 10h pour parcourir le trajet dans une voiture cahotante et il n’y avait pas encore la foule touristes que nous avons rencontrée au Cambodge. Continuez à nous faire rêver.Je vous embrasse Françoise

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